Comment sommes-nous devenus modernes ?
Le 7e entretien (« Comment sommes-nous devenus modernes ? ») transforme d’abord cette question[12] en une généalogie de l’individualisme. C’est pourquoi, selon Descombes, la réponse est chez Louis Dumont, dans son rapport à Benjamin Constant. Le distinguo de celui-ci entre la liberté selon les Anciens et la liberté selon les Modernes, malgré son vocabulaire, « ne fonde pas une philosophie de l’histoire » (152) et n’est pas même tracé du « point de vue historique » (153). Tandis que le grand récit de Dumont révèle comment le monachisme conditionna l’individualisme moderne. Il a fallu l’individu hors-du-monde (c'est-à-dire un mystique) pour qu’advienne l’individu-dans-le-monde. La tentation de saint Antoine dans sa thébaïde, les moines de Verhaeren, les anachorètes, les cénobites et les stylites, sont les « conditions de possibilité historiques » de Balthasar Gracian, de lord Byron et d’André Malraux (sans parler de Des Esseintes). Il y a ainsi une Histoire de l’Âme qui sous-tend toute l’histoire théologico-politique.