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Enquête sur la IIIe Symphonie de Mahler

Présentation

 

 

Frédéric Bisson le rappelle : "la forme générative de la symphonie mahlérienne est le contraste" que la troisième symphonie (dans son premier mouvement en particulier) "porte à son expression la plus transparente. Il précise :"Le flux symphonique chez Mahler coule entre le haut et le bas, c’est-à-dire entre le « grand style » héroïque, sublime, grandiose de la symphonie romantique qu’il exténue et les « banalités » populaires qui font soudain irruption, à l’improviste, au plus fort du développement musical, pour le briser du dedans : clichés, rengaines, marches militaires, ländler, répertoire folklorique provincial ou local."

 

Quel est le sens de ce contraste formel entre haut et bas, entre musique savante et musique populaire ou vernaculaire, entre la grandiloquence et le grotesque, entre gravité et légèreté ?

 

Cosmogonique certes : "le programme final de la IIIe présente un mouvement d’élévation cosmique, de bas en haut : il parcourt tous les degrés de l’Être, des rochers aux fleurs, aux bêtes, à l’homme, aux anges, jusqu’à l’amour divin de l’adagio final et, ce faisant, donne l’expression symphonique exacte des idées cosmomusicologiques de Schopenhauer."

 

"Mais cette lecture (...) laisse de côté l’élément de banalité. Les marches de l’armée autrichienne, les fanfares et les sonneries qui, sortant de la caserne voisine, impressionnèrent le petit Gustav, n’entrent-elles pas plutôt dans sa musique comme des blocs d’enfance, réalisant un devenir-enfant étrange et subversif de toute la symphonie ?"

 

"Essentiellement ambiguë, la musique de Mahler oscille entre la gravité adulte de l’enfant et la mièvrerie infantile de l’adulte. C’est alors tout le sens de l’humour mahlérien, dans sa gaieté scandaleuse, qui se fait jour. La banalité n’est pas ironique, mais relève d’un humour de minorité, de l’humour juif, de l’humour d’apatride propre à Mahler."

 

 

Frédéric Bisson, professeur agrégé de l'université et musicien, fera précéder son intervention par l'audition du début du premier mouvement de la IIIè symphonie

 

Les passages entre guillemets sont empruntés au texte rédigé par Frédéric Bisson pour présenter sa conférence, texte auquel ce lien renvoie.