Conférence de Alexandre Lepezel  du 26 juin 2014

 

Le mal n'existe pas

L'éthique de Spinoza à l'épreuve de la morale

 

            Dans la correspondance de Spinoza, les lettres que le philosophe a échangées avec Guillaume de Blyenbergh pendant quelques mois attirent particulièrement l'attention. Le ton du dialogue entre les deux correspondants est d'abord des plus cordiaux, comme il convient à deux hommes d'esprit qui ont la vérité pour intérêt commun. Mais rapidement, aux objections de Blyenbergh, Spinoza répond avec une pointe d'agacement et de sécheresse qui étonne, avant de mettre fin abruptement à leur échange épistolaire.

            Que s'est-il passé ? Tout au long de ses lettres, Blyenbergh soulève, de diverses manières, la même difficulté. Si, comme Spinoza l'affirme, on ne se détermine jamais soi-même librement, si la liberté de la volonté est une illusion, est-on alors responsable de vouloir le mal et de le faire en conséquence ? Si, par exemple, Adam n'était pas libre de vouloir goûter du fruit défendu, peut-on maintenir qu'il a péché contre la volonté divine ?

            Blyenbergh semble avoir touché un point faible de la philosophie de Spinoza. En niant l'existence du libre arbitre, Spinoza ruine-t-il toute morale ? A quoi bon prêcher le bien et condamner le mal, si l'on n'a pas le pouvoir de choisir entre les deux ?

            Avant de s'engager à répondre à ces questions, il faudrait s'entendre sur ce qu'on appelle le mal. Est-ce bien une réalité ou bien, comme le pense Spinoza, n'est-ce qu'un mot, qui recouvre une comparaison entre des états ? Et abolir la fiction de la morale, cela nous conduit-il nécessairement à être indifférents à ce qui est bon ou mauvais ?

            Alexandre Lepezel