PROUST, DES CLOCHERS DE CAEN AU TEMPS RETROUVE
« Les clochers de Caen ». C’est, dans le titre d’un article publié par Proust en 1907, ce qui indique son rapport à l’épisode énigmatique des clochers de Martinville dans A la Recherche du Temps perdu.
Dans les deux textes, les trois clochers sont comparés à trois jeunes filles qui, dans le roman, deviendront Gilberte, Oriane et Albertine, pour entrer dans un rapport essentiel à Bergotte, Elstir et Vinteuil. Ainsi sont alignés les signes de l’amour et les signes de l’art dont le déchiffrement permettra au narrateur, partant du temps perdu parmi les mondanités, de s’élever jusqu’au Temps retrouvé, comme l’a montré le commentaire de Gilles Deleuze.
Les clochers réels de Saint-Etienne, Saint-Pierre et La Trinité, comparés aux clochers fictifs et interchangeables de Martinville, font alors de Caen, objectivement, le premier site proustien. Et à Caen le système de la critique proustienne prend un tour expérimental : vus du viaduc de Calix, les clochers de Caen s’alignent toujours exactement comme dans le récit proustien, figurant par leur superposition l’Hécate simple que Michel Butor a su déceler derrière « la triple Hécate » formée par Gilberte, Oriane et Albertine.
Jean Claude Dumoncel