C. Godin. Refoulement de la psychanalyse.
Une analyse de la désolation contemporaine à partir du Pain et les miettes.
Conférence du 18 février 2011, Amphithéâtre Tocqueville Caen.
Cette soirée, qui a rassemblé quelques 200 personnes, s’est voulue la réplique positive de celle qui, le 27 mai de l’an passé, avait été organisée à Caen à l’occasion de la parution nationale du livre dirigé par Elisabeth Roudinesco, « Mais pourquoi tant de haine ? » (Éd. du Seuil), écrit en réponse à un brûlot contre Freud, et dont Christian Godin est l’un des co-auteurs. Christian, retenu ailleurs ce jour là, nous avait promis de venir parler philosophiquement à Caen de la psychanalyse, de son refoulement par l’idéologie néolibérale et par l’hédonisme contemporain, ou, comme il le dit ce soir là, par la « comédie du bonheur ». Promesse gracieusement remplie à la satisfaction, on l’espère, des présents.
Christian Godin, il faut le dire, est un oiseau rare dans le paysage philosophique français contemporain. Bien qu’universitaire et bien qu’ayant rencontré un franc succès auprès du plus large public avec en particulier son Dictionnaire de philosophie ou sa Philosophie pour les nuls, il n’est exactement ni un « philosophe universitaire » ni un « philosophe médiatique ». Il n’a pas déserté l’enseignement secondaire technique où il a travaillé vingt ans, ni le cœur de la « philosophie générale », c’est-à-dire celle du « sens partagé », ni enfin et surtout la « philosophie fondamentale », comme en témoigne sa thèse, publiée en 7 volumes chez Champ Vallon La totalité.
Christian Godin suit en effet Diderot, lorsqu’il affirmait « dès que l’on n’envisage pas le tout, il n’y a pas de philosophie », ou bien encore le philosophe allemand assistant de Husserl, Eugen Fink dont il cite les propos. « C’est une destinée curieuse de notre humaine raison d’être troublée et accablée sans cesse par la pensée de tout ce qui existe ». Or l’essai de Christian Godin, Le pain et les miettes, publié grâce à l’universitaire et écrivaine caennaise Belinda Cannone et placé au centre de cette soirée, en témoigne. L’apport de la psychanalyse s’y développe selon l’examen du désir de totalité déjà développé dans le premier moment de La Totalité, celui où l’auteur opérait le passage « de l’imaginaire au symbolique ».
Mais, cette fois, c’est pour marquer l’effondrement et l’impasse où se trouve ce « désir de totalité » au sein d’une époque qui semble avoir renoncé à l’universel, aussi bien l’universel qui commande la vérité du désir que celui qui peut orienter une action collective. « Le XXème siècle, écrit-il à la page 34 de son essai, apparaitra sans doute dans l’Histoire comme le premier à avoir renoncé à définir un idéal d’homme. Le rêve de l’homme nouveau ayant tourné au cauchemar, l’homme moderne cherche modestement à exister le moins mal possible – et déporte son désir de totalité de l’ordre de l’être à celui de l’avoir. Le plan de l’essai Le pain et les miettes suit donc les articulations structurales de ce désir : Etre tout, faire tout, tout pouvoir, tout voir, tout avoir, tout savoir, tout dire. Il développe à loisir à la fois les manifestations de la faillite d’un tel désir et la force critique de la psychanalyse.
En effet, « la psychanalyse, donc l’inconscient dont elle est le discours, est dans notre société – c’est-à-dire de plus en plus dans le monde – l’objet d’un refoulement sans retour. Le capitalisme est une formidable machine à digérer ses adversaires et ses ennemis (on le voit bien à la manière dont il fait son profit des catastrophes ou dont il a intégré la « contre-culture ») mais il y a quelque chose qu’il n’a jamais pu réellement digérer et qu’il ne digèrera jamais, c’est l’inconscient ».
Les larges extraits de cette conférence proposés ci-dessous ont pour objectif de soutenir et d'ilustrer une telle thèse. Des problèmes techniques ont rendu la partie débat inexploitable. Nous prions les intervenants de bien vouloir nous en excuser.
Extrait 1 : Refoulement de la psychanalyse et "subjectivité de gestion
Extrait 2 : Les différentes "formes de subjectivité" et la fiction du sujet libre
Extrait 3 : La psychanalyse comme outil critique de l'idéologie de "l'homo economicus"
Extrait 4 : La vie "en miettes" et le désir d'anéantissement