Alexandre Isaïevitch SOLJENITSYNE, Kislovodsk 1918 – Moscou2008
1918 : naissance dans une famille relativement aisée, d’ascendance paysanne, dans une petite ville du Caucase. Il naît six mois après la mort de son père, décédé d’une blessure de chasse mal soignée à son retour du front. Sa mère a reçu une éducation soignée.
1924 : elle s’installe avec lui à Rostov sur le Don. Par la suite, il adhèrera aux Jeunesses Communistes et mènera la vie joyeuse d’un lycéen soviétique.
1936 : admis à l’université de Rostov en mathématiques et physique. Randonnée cycliste au Caucase.
1937 -1938 : procès de Moscou. Terreur de masse (« Je percevais mal les choses. »)
1939 : s’inscrit aux cours par correspondance de l’institut de Moscou, en littérature et philosophie. Enseigne les mathématiques et l’astronomie en lycée. Mariage avec Natalia Rechetovskaïa.
22 juin 1941 : invasion de l’URSS par les troupes nazies. (Staline incrédule ?)
AIS passe des examens littéraires à Moscou. Mobilisé en octobre comme simple soldat.
1942 : devenu lieutenant, il est envoyé au front et commande une batterie de repérage par le son. Son unité avance jusqu’en Prusse orientale.
1944 : promu capitaine. Deux décorations. Mort de sa mère.
1945 : sa correspondance avec un ami de lycée est surveillée par la Sûreté militaire. Ils parlent de « leurs indignations » politique et militaire et désignent Lénine et Staline par des sobriquets. Le 9 février, alors qu’il est sur le front de la Baltique, il est arrêté. Instruction à la prison Loubianka à Moscou. Condamné (article 58 §1 & 11) [2]
1961 : à la suite du XXIIe congrès, décide de proposer Une journée d’I D à la publication. Fait remettre le manuscrit à Novy Mir. Tvardovski le convoque.
1962 : Tvardovski négocie longuement avec les autorités. Feu vert de Krouchtchev. Le texte est publié dans le n° 11 de Novy Mir. La nouvelle est répercutée dans le monde entier. AIS recevra des centaines de lettres de lecteurs, anciens zeks ou leur famille, lettres de reconnaissance, récits d’expériences vécues dans les camps. « Il s’est échappé alors comme un immense cri collectif. » Présenté à Krouchtchev lors d’une réception au Kremlin.
1963 : Novy Mir publie La maison de Matriona et Un incident à la gare de Kretchetovka et propose la candidature d’AIS pour le prix Lénine. Premières voix hostiles dans la presse. Parallèlement, son public de lecteurs devient très important. Ses écrits circulent aussi en samizdat. Avec une énergie décuplée, AIS commence à la fois L’archipel du goulag (pour lequel il revendique 227 co-auteurs. Il écrit, dans un lieu très retiré, près de Riazan, sur de minuscules feuilles de papier, enterrées ensuite une à une dans les jardins d’un réseau de « complices ») et Le pavillon des cancéreux. Nombreuses perquisitions chez ses proches.
1964 : cesse d’enseigner. Fin de la vie commune avec Natalia. En octobre, Krouchtchev est renversé. AIS enquête dans la région de Tambov sur une révolte paysanne de 1920 – 21.
1965 : perquisition du KGB au domicile d’un ami chez qui étaient cachés des poèmes, des pièces de théâtre, le manuscrit du Premier cercle. Le tout est confisqué.
1966 : Novy Mir publie Zacharie l’escarcelle. Procès et condamnation de Siniavski et Daniel. Début déclaré de la dissidence. Lutte interne très dure à l’Union des écrivains : pour ou contre Soljenitsyne. De 1966 1968, dans différents lieux isolés, craignant sans cesse une descente du KGB car, dit-il, il ne pourrait « reconstituer tous les testaments imprononcés des disparus », AIS poursuit la rédaction de L’archipel et commence ce qui deviendra La roue rouge.
1967 : lettre ouverte à l’Union des écrivains : AIS proteste contre les méfaits de la censure et les persécutions dont il est l’objet. Il met l’Union en demeure de désavouer les calomnies qui courent à son sujet. Cholokov déclare : « Il faut interdire Soljenitsyne de plume »
1968 : Le pavillon de cancéreux et Le premier cercle paraissent à l’étranger. AIS réussit à y faire passer également les microfilms de L’archipel du goulag. Violentes attaques de la presse. A Paris, AIS se voir décerner le Prix du meilleur livre étranger
21 août : invasion de la Tchécoslovaquie par les armées du Pacte de Varsovie (sauf la Roumanie).
1969 : avec N. Svetlova, sa future femme (mathématicienne, très active dans le milieu des dissidents), voyage dans le nord-est de la Russie, berceau de la résistance des Vieux Croyants. En novembre, AIS est exclu de l’Union des écrivains de Riazan. Présent, il se défend avec véhémence, en vain. Puis il est exclu de l’Union des écrivains nationale (ce qui signifie : plus de moyens de subsistance et pratiquement plus d’existence sociale). Lettre publique de AIS aux membres du secrétariat : « Vos articles bouffis n’ont aucune consistance […] Il est temps de se rappeler que nous appartenons tous à l’espèce humaine ! ». N’a plus de résidence officielle. Trouve refuge chez Rostropovitch au village de Joukovka.
1970 : le prix Nobel de littérature lui est décerné. AIS ne veut pas aller le recevoir lui-même, de crainte de ne plus pouvoir rentrer. La remise du prix à Moscou, à l’ambassade de Suède, échoue (faute d’audace du représentant de l’Académie suédoise?)
1970- 1973 : naissance des trois fils.
1972 : Lettre ouverte au ministre de l’Intérieur : « Je profite de l’occasion pour vous rappeler que le servage a été aboli dans notre pays il y a 112 ans… »
1973 : Sakharov déclare : « L’URSS est un vaste camp de concentration ». En septembre, E.V., membre du réseau qui cache les manuscrits de L’archipel est arrêtée, interrogée trois jours par le KGB, révèle une cachette, est retrouvée pendue. AIS met à exécution sa promesse/menace : il déclenche aussitôt la parution de L’archipel (« cette larme pétrifiée ») à l’ouest. Menaces et lettres anonymes pleuvent.
1974 : violence inégalée de la campagne contre AIS. Il lance son Appel de Moscou : à la résistance et au refus de tout mensonge. Arrestation. Prison de Lefortovo. Il est accusé de haute trahison (crime passible de la peine de mort), déchu de la citoyenneté soviétique. Envoyé par avion spécial en Allemagne Fédérale, où, à Francfort, Heinrich Böll l’accueille. S’installe à Zurich où il retrouve les traces de Lénine. Sa famille est autorisée à le rejoindre. AIS déplore publiquement la faiblesse de l’occident et critique les Soviétiques qui émigrent volontairement. Il annonce la création d’un Fonds social russe pour les personnes persécutées et leurs familles (dit plus tard Fonds Soljenitsyne), alimenté par les droits de L’archipel. Conférence de presse à Zurich : sa conception du progrès, nécessité d’un développement limité de la Russie, critique de l’intelligentsia attachée à ses privilèges et qui trahit sa mission.
1975 : Accords d’Helsinki, dont la troisième « corbeille » concerne le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Signés, en pleine guerre froide, par 35 pays, dont les USA et l’URSS.
AIS est eçu par B. Pivot à Apostrophes (2 heures, qui seront visionnées partout dans le monde). Voyage aux USA. Discours où il appelle l’occident à la fermeté. Reçu par le Sénat américain.
1976. Paris. Espagne. Il juge la dictature franquiste bénigne et affirme que les Espagnols ont toujours vécu libres. AIS s’installe aux Etats Unis, dans l’Etat du Vermont, près de Cavendish et y mène une vie tout entière consacrée à son œuvre, notamment La roue rouge, et à l’éducation de ses enfants. (Des dissidents russes en exil l’accuseront de « fanatisme khomenien »).
1978 : discours de Harvard. Il blâme le monde occidental pour son effondrement moral et renvoie dos à dos le « bazar idéologique » à l’est et le « bazar mercantile » à l’ouest. Seule issue : le courage individuel. L’occident a besoin d’une aide morale, qui viendra de la Russie. Polémiques nombreuses et intenses.
1985 : arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbathev. Perestroïka, glasnost. Sa citoyenneté soviétique est restituée à AIS. L’Archipel paraît en URSS à partir de 1989.
Décembre 1991 : l’URSS éclate et disparaît.
1993 : invité au Mémorial de la Vendée, critique violemment la Révolution française.
1994 : rentre en Russie par Magadan. Traverse le pays en un mois, rencontrant la population et d’anciens zeks à chaque étape. Pense pouvoir intervenir dans la vie politique.
1994 – 1998 : vie sociale intense. Le fonds Soljenitsyne aide de nombreux anciens zeks (pensions, médicaments…). AIS a sa propre émission de télévision.
A partir de 1998 : malade, vit retiré près de Moscou avec sa famille.
2007 : le président Poutine (ancien officier du KGB) lui rend un hommage appuyé et .lui décerne le prestigieux Prix d’Etat.
Août 2008 : meurt à 89 ans.
[2]« Toutes ces années de création souterraine, je les vécus avec la conviction que je n’étais pas le seul à me contenir et à ruser ainsi. Que nous étions quelques dizaines ainsi, solitaires, têtus et renfermés, épars sur la terre russe, écrivant chacun en son âme et conscience ce qu’il sait de notre époque et ce qu’est la vérité. » (Le Chêne et le veau)