A la recherche du temps perdu. Lecture publique. Septembre 2012.

        INTRODUCTION                         

La Recherche du Temps Perdu, c’est d’abord la recherche d’une vérité essentielle sur le monde, sur les hommes, sur notre passage de vivant dans le monde ; c’est aussi un roman d’apprentissage, une œuvre d’intitiation , le narrateur va passer par des épreuves, des déceptions, des humiliations qui l’amèneront à déchiffrer l’énigme que représentent l’amour, la mondanité, l’art, à déchiffrer ses propres impressions qui vont avec.

La Recherche, c’est aussi l’histoire d’une vocation littéraire, qui naît chez le narrateur enfant, qui s’estompera devant un sentiment d’échec personnel, devant des occupations d’une existence mondaine et amoureuse,  puis qui reparaîtra plus tard pour enfin se cristalliser en une œuvre monumentale, celle précisément que nous sommes entrain de lire.

Nous n’avons pas dans cette œuvre, à proprement parler, une intrigue. Au delà de l’expérience existentielle, qui est vécue comme le « temps perdu », nous avons un questionnement d’ordre philosophique et esthétique, à partir de ce temps perdu ; questionnement qui se déploie autour de la recherche des essences, d’une réalité soustraite aux contingences du temps, une réalité éternelle qui serait le « temps retrouvé », et cela au travers de métaphores, d’un certain rythme de la phrase, d’une musicalité qui donnent à la dimension brute de la langue toute sa portée poètique ; la langue elle-même est transformée en matériau d’art. Nous assistons à une espèce de grande fête de la sensibilité, de l’intelligence et du style .

      

Et ce merveilleux voyage, nous l’avons commencé en octobre 2011 à la bibliothèque d’Hérouville st Clair  avec  Du côté de chez Swann, le 1er livre de la Recherche. On y découvre un lieu : Combray, le lieu de l’enfance du narrateur ; avec des scènes mémorables comme « le drame du coucher », quand la mère ne peut aller embrasser l’enfant, prise qu’elle est par les invités ; parmi ceux-ci , le fils Swann, venu apporter un plein panier de framboises et d’estragon… Autre scène mémorable, celle du baiser du soir arraché à la mère, quand l’ombre du père s’élève déjà sur le mur.

     

      Combray, c’est aussi le village tout entier sorti d’une tasse de thé, d’une réminiscence involontaire surgie du goût d’une petite madeleine trempée dans l’infusion…Alors, nous voyons la tante Léonie vivotant entre le livre de messe et les ordonnances de médicaments ; Françoise, la bonne si dévouée, courageuse et pacifiste. Et puis les aubépines, qui détiennent le secret de leur lumière et qui embaument le petit raidillon qui passe devant la propriété des Swann…Et dans le parc, nous apercevons tout à coup le visage de Gilberte Swann, la fille de Charles et d’Odette, visage semé de taches roses aux yeux noirs brillants, Gilberte, au geste insolent et indécent…

Combray, c’est aussi les « 2 côtés », le côté de Méséglise et le côté de Guermantes, sans communication aucune, séparés « dans les vases clos d’après-midi différents ».

      La 2ème partie de Du côté de chez Swann est consacrée au grand amour qu’aura Swann, homme de  la meilleure société et aux fréquentations aristocratiques, pour une demi-mondaine, Odette de Crécy, qui l’introduit chez les Verdurin, lesquels font partie du milieu bourgeois et intellectuel parisien. C’est chez les Verdurin que Swann amoureux fou

d’Odette entendra pour la 1ère fois la sonate de Vinteuil qui deviendra « l’air national » de leur amour. Puis Swann sera malheureux, rongé par la jalousie, « divinité infernale » qui l’inspire et le pousse au supplice et à la perdition.

     

     Ce long épisode de l’amour malheureux de Swann et de sa jalousie, nous devons le voir comme un miroir  reflétant les futures amours douloureuses du narrateur dont il nous parlera dans quelques livres…

Pour l’heure, celui qui raconte est adolescent et amoureux de Gilberte, la fille de Swann et d’Odette. (Nous sommes à ce moment là dans la 1ère partie du 2ème livre : A l’ombre des jeunes filles en fleurs.) Nous le voyons jouer avec elle aux Champs Elysées ; un peu plus tard, il assiste à une représentation de Phèdre jouée par la Berma, il en revient déçu. Il fait la connaissance de l’ancien ambassadeur le marquis de Norpois, qui , contre toute attente, ne l’introduira pas chez les parents de Gilberte Swann. Cependant, il a avec le marquis un échange troublant à propos de l’écrivain Bergotte, qui a pour résultat de désespèrer l’adolescent de « sa nullité intellectuelle ».

Toujours amoureux de Gilberte, il n’a de cesse de pénétrer jusque dans l’appartement de ses parents, « cet inconnu innacessible plein d’un charme douloureux », et puis un jour, une lettre de Gilberte l’invite « à venir goûter à la maison ». Il y découvre, de tout près, le père de Gilberte, Charles Swann et les parfums précieux et volages de madame Swann.

Puis de goûter en goûter, le jeune narrateur part en promenade avec eux.

Odette tient salon, mais « ne reçoit pas les femmes élégantes ; le faubourg StGermain lui est encore innaccessible ». Et Swann, marié à Odette, a sinon tourné casaque à l’aristocratie, du moins épousé une certaine vulgarité dans l’accueil et l’admiration pour un quelconque chef de cabinet…

L’amour de Swann pour Odette est bel et bien mort ; aveugle aux lacunes de l’éducation de sa femme et à la médiocrité de son intelligence, le nouveau Swann se sent choyé dans le nouveau milieu un peu composite et artificiel qu’Odette a créé autour d’eux. Madame Bontemps, madame Cottard, madame Trombert sont les nouvelles recrues du salon d’Odette ; avec un habitué que connaît bien Gilberte, ce qui a tant fait réver le jeune narrateur : Bergotte, l’immense écrivain Bergotte dont les œuvres furent la nourriture sacrée de l’enfant de Combray, « susceptibles de détenir le secret de la vérité et de la beauté à demi-pressenties, à demi-incompréhensibles dont la connaissance était le but vague mais permanent de sa pensée ».

C’est dans le salon de madame Swann, lors d’un grand déjeuner, que le narrateur va rencontrer pour la première fois son écrivain préféré.

Suit la lecture, A l’ombre des jeunes filles en fleurs : « Au moment où j’allais passer de l’antichambre dans le salon, le maître d’hotel me remit une enveloppe mince et longue…. »