Vous reprendrez bien un peu de métaphysique ? 

  Le 3e entretien s’intitule « Vous reprendrez bien un peu de métaphysique ? ». Descombes y révèle un lignage de la métaphysique dont l’origine est chez Aristote et la résurgence principale chez Wittgenstein. La métaphysique s’y révèle essentiellement exploration et théorie des différences ontologiques. Chez Aristote, c’est la différence entre les Catégories de l’Être. Chez Wittgenstein, dans un des exemples préférés de Descombes, il faut faire d’abord la différence de second degré qui sépare, d’une part, les différences qu’il y a par exemple entre « un chemin de fer, une gare de chemin de fer, et une voiture de chemin de fer » et, d’autre part les différences entre « un chemin de fer, un accident de chemin de fer et un règlement de chemin de fer »[13], afin de sélectionner les secondes, situées sur un registre comparable à celui des Catégories d’Aristote. Ces différences catégoriales sont révélées par la grammaire philosophique (79) sur laquelle Descombes expose l’explication d’Elisabeth Anscombe en une véritable méthodologie métaphysique. 

  Il y a des livres qui répondent à un véritable besoin. Depuis longtemps, nous avions besoin d’un petit livre, accessible à tous les publics, et donnant l’exemple de la manière dont il est possible, aujourd’hui, d’affronter rigoureusement les plus grands problèmes de la philosophie. Les Exercices d’humanité sont ce livre.

                                                                                Jean-Claude Dumoncel



[1] Vincent Descombes, Exercices d’humanité. Dialogue avec Philippe de Lara, Les petits Platons, Paris, 2013. Sauf indication contraire, toutes les références vont à ce livre (par le n° de la page entre parenthèses).

[2] J. C. Dumoncel, « Portrait du romancier en philosophe », Critique, n° 504.

[3] Ce comique, toutefois, n’est pas sans affinité avec ce que Thibaudet a décelé comme sel socratique et platonicien

[4] Dans Vincent Descombes, La denrée mentale, Minuit, 1995, pp. 293-294.

[5] Cf. J. C. Dumoncel, Le jeu de Wittgenstein, PUF, 1991.

[6] Pour commencer dans sa conférence rituelle à la Société Française de Philosophie : « Réflexions sur les questions d’idenitité », Bulletin de la Société Française de Philosophie, 105e année, 2011, n° 3, pp. 1-48.

[7] J. C. Dumoncel, « Le système Descombes, ou l’identité disputée », a paraître en ligne sur la revue Klesis fin 2013.

[8] Livre capital où Ortigues parvient à établir une jonction entre le structuralisme grammatical de Lucien Tesnière et le structuralisme positionnel proto-grammatical de Gustave Guillaume.

[9] Principes, I, § 9.

[10] Pourtant imprudemment proche du barbier paradoxal qui rase tous ceux qui ne se rasent pas eux-mêmes.

[11] Dans son article « Relation intersubjective et relation sociale », in Jocelyn Benoist & Bruno Karsenti (dir.) Phénoménologie et sociologie, PUF, 2001.

[12] Sous la forme ramassée de savoir comment « nous sommes devenus des individus » (157). Cette formulation est évidemment elliptique. La catégorie d’individu étant ontologique ne peut être pour nous objet d’un devenir. Mais dans le cas de l’homme, des individus qui ne peuvent être individualistes sont privés dans leur statut ontologique de sa perspective axiologique naturelle. D’où la possibilité de ramasser le devenir-individualiste en un « devenir-individu ».

[13] Le cahier bleu (NRF 1965, Préface de Jean Wahl), p. 122.