1. Problème : droits comme protection conduit à mettre en cause la souveraineté de l’assemblée représentative

  

Deux possibilités :

Soit on assume l’idée que les droits doivent être protégés par la constitution, mais cela suppose de confier le pouvoir ultime de décider ce qui doit ou non être une loi à une institution qui n’est pas une institution non élective et non représentative (Cour suprême aux EU ; conseil constitutionnel en France). On assume donc ce qu’on appelle le gouvernement des juges : le fait que ce n’est pas l’assemblée des élus du peuple, mais des magistrats non élus qui tranchent en dernière instance les questions liées aux règles qui doivent organiser notre existence commune. Il est vrai que ce système protège les individus des mauvaises décisions que pourraient prendre des assemblées représentatives ; mais cette protection se fait au prix d’une confiscation du pouvoir souverain de s’autogouverner. C’est la position d’un auteur comme Ronald Dworkin, Prendre les droits au sérieux (1977 ; tr.fr. 1995, PUF)

Soit on pense au contraire que ce pouvoir souverain de s’autogouverner via des assemblées représentatives est une condition indispensable de la liberté du peuple et des individus qui le composent. Dès lors, le gouvernement des juges est considéré incompatible avec la démocratie, et les lois souveraines issues du Parlement ne peuvent être remises en cause que par une nouvelle législature. Mais la conséquence est qu’il n’est plus possible de protéger les droits individuels contre les décisions d’une assemblée souveraine. C’est la position d’un philosophe comme Jeremy Waldron, dans un livre dont le titre parle de lui-même : The Dignity of Legislation, 1999.

Il faut donc maintenir le point d’interrogation, car même si on parvient à montrer que les concepts de droits individuels et de citoyenneté républicaine peuvent être articulés l’un à l’autre de façon cohérente pour penser la liberté politique, il est possible qu’une tension réapparaisse dès qu’on cherche précisément à identifier les moyens de donner une réalité institutionnelle à ces valeurs :

• Comment protéger les droits sans les soustraire à la potentielle tyrannie de la majorité ?

• Comment laisser les assemblées représentatives souveraines sans mettre potentiellement en péril les droits ?