PETITE INTRODUCTION SUR LA GENÈSE DE LA PRISONNIÈRE

La Prisonnière est le premier des trois textes posthumes qui concluent A la recherche du temps perdu. C’est aussi la première partie du cycle d’Albertine.


Le livre est publié en Novembre 1923, un an après la mort de Proust, par Robert Proust et Jacques Rivière.


Juste avant la guerre, La Recherche, c’était trois livres dont un était déjà publié : Du côté de chez Swann ; les deux autres étaient en préparation : Le côté de Guermantes et Le Temps Retrouvé. (dans Le Temps Retrouvé nous avions en 1913 un chapitre évoquant « les jeunes filles en fleurs »).

En même temps que la parution de Du côté de chez Swann, Proust vit un drame personnel avec son chauffeur Agostinelli, chez lui boulevard Haussman, en huis clos jusqu’au départ de celui-ci en Décembre 1913. En Mai 1914, Agostinelli se noie au large d’Antibes.


C’est à cette période de la vie de Proust que le personnage d’Albertine apparaît dans l’œuvre encore en train de se construire. Le cycle d’Albertine a été surajouté à la faveur du drame personnel de Proust certes mais aussi et surtout à la faveur de la guerre. Celle-ci vient interrompre la publication de La Recherche ( seul Swann est publié ), Proust n’est pas mobilisé. L’épisode douloureux qu’il vit avec son chauffeur sera à l’origine de ce qui structure le roman d’Albertine (La Prisonnière et Albertine disparue).


Cela étant dit, Proust n’a pas écrit l’histoire d’Agostinelli mais celle d’Albertine dont les origines textuelles sont plus anciennes que l’épisode de ce dernier, et que l’on trouve dans Les plaisirs et les jours, dans une courte nouvelle publiée en 1896 L’indifférent, dans une autre encore Avant la nuit publiée dans la Revue Blanche en 1893 où il est question d’amour, de jalousie, d’homosexualité….. La conception de l’amour chez Proust est déjà ébauchée dans ses œuvres de jeunesse ( l’amour jaillissant parce que non partagé, la jalousie comme moyen de connaissance, l’alternance du soupçon et de l’apaisement, même la mort de l’amant dans une chute de cheval.)
Il existe donc antérieurement à la rencontre avec Agostinelli des thèmes narratifs à l’état d’ébauche, dispersés, qui n’ont pas encore cristallisé ensemble mais qui seront un fonds de matériaux pour La Prisonnière.

Pendant la guerre, l’écrivain va continuer de préparer, de gonfler son œuvre. Jusqu’à sa mort il ne cessera d’ajouter, de déplacer, pour toujours au plus profond enraciner les motifs narratifs dans la trame romanesque et ainsi leur donner une fonction structurante dans l’architecture de l’œuvre

Proust est mort au travail, on le sait. Aussi, le texte des trois derniers volumes( posthumes) ne peut être plus définitif que l’auteur ne l’a laissé.

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